Maison S

Une famille, un architecte, une maison pour soi…quel bonheur de travailler ensemble pour un projet original !

Un petit bijou…

 

…de tuiles flammées et dorées qui s’emblent s’allumer sous le soleil du Doubs. Tel est le mot de la fin de Sébastien, si fier, avec sa compagne Marie et leur petite fille Lili, d’avoir réalisé une maison réellement originale dans un petit village perché à 800 mètres d’altitude, à quelques kilomètres de Pontarlier.

Et pourtant, tout n’a pas commencé de façon aussi éclatante : conçue et fabriquée en pleine pandémie, la maison en Y dessinée par Pierre Boissenin de l’agence l’Archidium n’a pas échappé au lot d’obstacles réservés à ceux qui veulent sortir des sentiers battus en matière de construction : quelques aller-retours en mairie, devant l’audace du projet, devant les couleurs de tuiles ; puis des alternatives de matériaux abandonnées, comme le bardage en bois brûlé de mélèze, mais hors budget, enfin une conception sur-mesure extrêmement ambitieuse quand beaucoup d’artisans de France étaient un peu au ralenti… 

Mais c’est dans ce type d’adversité que naissent les plus beaux projets. Pour Marie et Sébastien, ces deux frontaliers lassés de leur appartement besançonnais et du principe de copropriété, faire construire est l’option idéale : une maison à eux, une maison spacieuse, ouverte, simple, bien structurée, pouvant accueillir un fauteuil roulant… Le parcours commence et les constructeurs rencontrés ne sont pas au rendez-vous : manque de souplesse, manque de souffle, manque de style.

La toute première fois

Qu’à cela ne tienne. C’est à un architecte que sera confié le projet. Et pas n’importe lequel : Pierre Boissenin, qui commence et dont ce sera le premier bébé. Il aura carte blanche, une fois le programme des usages de ses clients scrupuleusement intégrés (nombre de voitures, quantité de vêtements…). Une seule règle du côté des maîtres d’ouvrage : l’originalité, non pas au sens d’excentricité (Marie et Sébastien se définissent comme « classiques »), mais au sens de rien de commun, rien de déjà vu, rien de routinier. 

Pas de crépi, mais des belles matières extérieures, pas d’étage, mais de la hauteur intérieure ; de la place pour abriter des rigueurs de l’hiver une moto et deux voitures ; de l’espace pour stocker les pellets du poêle qui est la source unique de chauffage de la maison : ce qui s’avère particulièrement performant dans une région où il faut chauffer six mois de l’année et où les voitures doivent pouvoir démarrer au quart de tour par moins 20° à six heures du matin…comme cette courageuse famille de lève-tôt !

Premiers servis sur un lot de parcelles qui dominent les collines du Doubs, Marie et Sébastien jettent leur dévolu sur un beau terrain de 700 m2 sur lequel Pierre, leur architecte, choisit délibérément de privilégier la vue, orientant la maison à rebours des usages locaux : plein nord, sachant que la performance énergétique du bâtiment, le choix des matériaux nobles et pleins, le travail d’isolation, va largement compenser la décision, au profit d’une vue préservée et d’un profil de bâti intrigant au regard de ce qui se fait dans le voisinage. Pour Pierre, parler de vue serait d’ailleurs un peu générique : selon lui, la fonction d’une fenêtre (et sa seule raison d’être) consiste à découper une portion idéale du paysage.

Pour l’architecte, un seul croquis, une première esquisse à la main, inspirée par la configuration du terrain, sera la bonne. Ensuite, le choix de traiter toit et façade dans la même matérialité sera déterminant. Et si le renoncement au bois brûlé, qui imposait de faire une double toiture coûteuse, n’a pas été douloureux, le refus communal d’une maison toute de tuile noires a d’abord été un petit sacrifice esthétique.

Mais la partie la plus importante du combat a été gagnée, pied à pied, sur la dalle du chantier même : clients et architecte ont pu convaincre la commune qu’une façade et une toiture harmonisées, toutes de tuile, serait un pari fort et radical, ainsi qu’une illustration d’isolation et de performance thermique.

Un minimalisme nordique

Pierre Boissenin choisit de diviser la maison en deux ailes, dont l’une est réservée aux chambres et l’autre, aux pièces à vivre. En revanche toit et façades se feront d’un seul bloc ; le matériau élu sera la tuile, une grande tuile rouge et flammée, qui couvre et recouvre tout, ne laissant apparentes que les imposantes baies vitrées et le patio-terrasse qui réunit les deux bras du Y. Il s’agit d’une tuile locale produite à moins de 50 km de la maison…

Sa belle taille crée une carapace cohérente, chatoyante, dont les pans, arêtes et aplats sont définis et lisibles, une géométrie pure qui n’est pas sans rappeler une tortue, sympathique métaphore de cette maison en tous points chaleureuse.

Comme le bois intérieur, la tuile extérieure est ici privilégiée pour ses vertus architectoniques : elle participe de l’ambiance générale. Elle est en outre particulièrement saine et l’atmosphère intérieure est très agréable à vivre. 

Aux côtés de la tuile extérieure, le choix des matériaux est et volontairement limité : du bois à l’intérieur, du béton au sol. Au sol, conçu sans vide sanitaire, une couche de verre recyclé sert de soubassement à une dalle de béton quartzé qui crée une unité douce, un noir velouté, sur ensemble des 110 m2.

Aux murs, du bois massif lamellé collé, ou BLC, qui procure un habillage naturel irradiant de douceur de toutes les pièces. Il habille les rampants, conservés pour étirer les pièces vers le haut, d’une lumière blonde.

Au sol comme au mur, ce sont donc des surfaces de haute qualité qui ont été privilégiées pour durer, s’épargner toute intervention type enduit ou peinture, et bien vieillir dans le temps.

Cette trilogie vertueuse, durable, n’est pas sans évoquer un design nordique, laissant sa place à la clarté de l’espace et à la liberté de circulation. Les meubles, tous conçus et intégrés par l’architecte, sont d’un noir mat, contrastant avec le bois blond qui éclaire murs et soupentes. Quelques chauffeuses de couleur et… place à l’audiophilie et aux jeux de Lili qui trotte à sa guise dans le bel espace épuré.

Ce minimalisme subtil / tranquille / chaleureux s’accompagne d’une technologie maximum avec une volonté domotique sur tous les postes, notamment le chauffage. La maison est câblée et pilotée selon un système qui permet de régler le poêle comme les brises vues orientables, une réussite à porter au crédit d’une toute jeune entreprise locale là encore. 

Une maison bâtie sur la confiance

Des primo-bâtisseurs et pour l’architecte, un primo-projet : devant tant d’inconnues, il a fallu s’entendre, se parler, beaucoup échanger. Accepter que ce projet si ambitieux ne se déroule pas comme un long fleuve tranquille ; comprendre qu’il prendrait corps dans l’esprit du trio au moyen de dispositifs ludiques et pédagogiques, comme cette petite maquette réalisée par Pierre pour calculer tous les impacts d’ensoleillement au fil des heures.   

 

En un mot comprendre que le projet est vivant, qu’on le construit à plusieurs, que ça peut changer, que renoncer à une solution permet d’être plus créatif pour en trouver une autre… Depuis l’installation de la famille fin 2020, l’environnement tout proche a pu être végétalisé ; à quelques mètres de la terrasse en mélèze, les arbustes en fleurs sertissent tout l’été le « petit bijou ».

Nul doute que la maison fait exemple, qu’elle intrigue, et qu’elle a atteint son pari : celui de l’originalité et surtout celui d’un lieu pour vivre en famille. 

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