Symphonie de tuiles en mode majeur

Le Clos Jardin, c’est le nom de la maison, est une véritable partition de tuiles dont le travail de découpe donne un tempo à la fois classique et subtilement contemporain.

Comment, partant de l’idée d’acheter un bâtiment d’époque à restaurer dans le centre-ville de Beaune, Anne-Catherine et Yves en sont-ils arrivés à faire construire une maison contemporaine à la proche périphérie, dans un ancien verger clos de murs ?

Par le hasard, par la grâce des rencontres, et par l’harmonie qui fait bien les choses – ce qui s’explique encore davantage quand on sait qu’Anne-Catherine est pianiste et Yves, violoniste.

 

 

C’est en évoquant avec la jeune architecte Sarah Markert l’audace du Conservatoire de Besançon, première commande européenne du japonais Kengo Kuma, qu’Anne-Catherine et Yves commencent à changer d’état d’esprit. Ce que leur fait valoir Sarah, bientôt rejointe par son associée Elise Fauquenbergue, est convaincant : au fond, pourquoi de l’ancien ? Pourquoi ne pas envisager une maison à soi, avec un terrain ? Une maison écrite à quatre mains, une maison à leur mesure ?

Entre les conservatoires d’Autun et de Besançon où l’un et l’autre enseignent et pratiquent, Beaune est l’étape parfaite de mi-chemin, à l’aimable style de vie, et forte de sa réputation de capitale bourguignonne de la tuile vernissée dont les Hospices sont fièrement coiffés.

« Nous avons trouvé le terrain il y a quatre ans. C’était un joli verger ceint de murs de pierre et lauzes, un « clos » comme on dit dans cette région viticole », se souvient Anne-Catherine. Les arbres sont préservés au maximum pour maintenir cette sensation d’un espace vert privilégié sur lequel donneront toutes les fenêtres. « On en a coupé trois quand même », s’amuse Yves, « il fallait bien un espace pour la maison ! »

Néophytes en matière d’architecture, Anne-Catherine et Yves ont néanmoins une idée bien déterminée d’une maison à vivre, qui respire grâce à une bonne hauteur sous plafond, une construction qui restitue un feeling de matériaux naturels – et qui, nantie d’isolants performants, a fait chuter la consommation énergétique du couple depuis leur emménagement en 2017, ce qu’ils apprécient beaucoup bien entendu. Dès que possible, la préférence est donnée aux matériaux locaux nobles, comme le chêne massif des parquets, taillé dans les forêts du Morvan à une soixantaine de kilomètres de là.

Le duo d’architectes est au diapason de leurs attentes. Sarah et Elise conçoivent une maison simple, de 107 m2, aux lignes épurées, aux volumes intérieurs très confortables, et ponctuée de gestes audacieux comme des fenêtres de dimension hétérogènes et un grand escalier de fer.

Mais le grand geste architectural vient du revêtement : les deux pentes du toit, tout comme les quatre murs, sont entièrement recouverts d’un mono-matériau, sans rien pour déranger, dépasser ou contraster – ni volet, ni gouttière, ni cheneau, ni auvent… Après avoir envisagé de le réaliser en pierre – jugée trop froide – puis en bois – plus fragile, et puis déjà vu – le choix d’un bardage à la fois robuste et chaleureux s’est porté sur une tuile plate bourguignonne à l’ocre rouge légèrement flammé.

La recherche de la tuile idéale a nécessité les efforts conjugués des propriétaires et des architectes. Et là encore, au détour d’une promenade… la révélation ! Là voilà la tuile idéale, une tuile plate unicolore nuancée, avec des effets de calage invisibles. Deux tailles permettent d’effectuer un montage pyramidal à chevauchement important : comme si murs et toits étaient recouverts de deux couches de tuiles, accentuant la sensation de densité et de protection de l’ensemble.

Particulièrement attentives aux découpes des tuiles, qui doivent assurer l’étanchéité du bâtiment sans recours aux éléments traditionnels comme le faitage et les gouttières, les architectes, en charge de la maîtrise d’œuvre, ont accompagné de très près le travail des artisans – donnant encore une fois la preuve que l’exigence et l’imagination génèrent la qualité sans majorer les coûts…

Le Clos Jardin, c’est le nom de la maison, est une véritable partition de tuiles dont le travail de découpe donne un tempo à la fois classique et subtilement contemporain.

De l’extérieur, c’est l’épure qui domine, créant une partition à l’unisson entre la tradition de la tuile plate bourguignonne et la modernité d’un bardage en tuiles enveloppant la maison, ce qui est, une création originale à Beaune.
Le maire de Beaune ne s’y est pas trompé, qui s’est inscrit de façon très positive pour faciliter les choses auprès des Bâtiments de France notamment, la ville étant particulièrement riche en sites classés.
« Nous sommes allés le voir personnellement pour lui expliquer le projet, qui lui a plu. Au fond, c’est de la plus-value pour la ville », note le couple…
… fier de préciser que la maison a reçu le premier prix Maison Individuelle au concours Architendance Edition 2018.

Yves se souvient, amusé, que les plans des fenêtres ont dû être modifiés car deux d’entre elles, formant comme deux yeux, avaient été jugées un peu « anthropomorphiques ». Les architectes Sarah et Elise ont adapté le projet : à l’arrivée, aucune fenêtre n’est à la même dimension qu’une autre. Encore un point pour la contemporanéité…

Au chaud dans sa carapace de tuiles rousses que le soleil dore, puis ceinte de son clos de pierres… Autant dire que la maison d’Anne-Catherine et Yves est un havre protégé du vent, du froid, mais offrant un beau regard à l’extérieur. Une maison compacte et lisse, « presque une carapace, mais qui diffuse de la chaleur les soirs d’été », comme le note Yves.

« La sensation de pérennité et de solidité est très réconfortante », ajoute Anne-Catherine.

Quand la maison est sortie de terre, elle a fait s’exprimer les pour et les contre. Comme toutes les créations originales et avant-gardistes, elle ne laisse personne indifférent. Certains l’ont supposée très onéreuse – et c’est tout le contraire !

 

Les enthousiastes la voient comme une nef originale sertie des pierres de son clos, une nef de tuiles au milieu des arbres.                          Et puis, enfin, elle « sonne bien », un must dans la bouche des deux mélomanes.

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